LA
RUPTURE
Après
un dernier succès aux 24 Heures du Mans sous la marque DB, Charles
Deutsch et René Bonnet
se séparent fin 1961, pour fonder chacun
leur propre marque.
Le 48ème salon de l'Automobile de
Paris se tient, du 5 au 15 octobre 1961, au Grand Palais.
La marque DB présente, pour la dernière fois, ses
modèles "Le Mans" en version Racing, Luxe et Grand Luxe en
cabriolet ou coupé à mécanique Panhard.
LES AUTOMOBILES RENE BONNET
Courant 1961 André Moynet, pilote, ancien ministre et ami
personnel de René Bonnet, lui présente M.
Chassagny, P. D. G. de la société Matra (Mécanique
Avion TRAction), alors
spécialisée dans l'aéronautique et
l'armement.
A compter du 2 novembre 1961, la société EPAF
(qui construit et commercialise les DB) devient Automobiles
René Bonnet avec, comme Président Directeur
Général, René Bonnet. Cette
société continue la fabrication des automobiles
de la marque DB qui, grâce aux appuis de Moynet et de la
Matra, a pu faire l'acquisition d'une usine située
à Romorantin (Loire et Cher). La GAP
(Générale d'Application Plastique),
propriété de Matra et installée sur
place, fabrique les carrosseries en "plastique" (polyester) pour
René Bonnet.
Dans les ateliers de Champigny subsistent le bureau
d'études, le service compétition et la
fabrication des prototypes.
L'HOMME RENE BONNET

René Bonnet, né le 27 décembre 1904
à Vaumas (Allier), aborde le sport automobile en 1932 alors
qu'il est agent Citroën à Champigny sur Marne
(Seine). Il développe sa propre affaire dans des locaux
loués à la famille Deutsch. Se liant
d'amitié pour le fils Charles, ils construisent une voiture
de course sur la base de la Citroën traction avant
à moteur 2 litres. La première DB tourne en 1938
et jusqu'à fin 1961, les victoires vont s'accumuler par
centaines et la "Marseillaise" retentit souvent sur les circuits du
monde entier.
L'HEURE DU CHOIX
A cette époque, la conception des voitures de courses est en
pleine évolution. Les avantages du moteur central commencent
à être reconnus. Cette disposition a
déjà été essayée
sur la barquette n°45 à moteur Panhard 850 cm3
de Jean-Claude Vidilles et André Moynet, cette
année 1961 au Mans où elle termine seconde des 6
DB en course derrière la n°53 de 702 cm3
de Gérard Laureau et Paul Armagnac, vainqueurs à
l'indice de performance.
Si Charles Deutsch reste fidèle à la traction
avant, l'équipe de René Bonnet, sous l'impulsion
de Jacques Hubert, a décidé d'adopter le moteur
central.
La situation de René Bonnet n'est pas facile, il lui faut en
très peu de temps redéfinir des voitures "de
série" pour continuer à vivre et l'utilisation
des moteurs Panhard est problématique.
Ce constructeur traverse une période difficile et le
début de prise de contrôle par Citroën
conduit Paul Panhard à conseiller René Bonnet de
se tourner vers un autre fournisseur de moteurs.
MECANIQUE RENAULT
Au début des années soixante, le seul
constructeur français qui ne considère pas la
compétition comme un lieu de perdition s'appelle Renault
essentiellement par la volonté de Louis Dreyfus alors
Président de la Régie.
Tout un programme est mis sur pied pour associer la régie
Renault à la nouvelle marque des "Automobiles
René Bonnet".
- Un nouveau groupe 5 paliers plus moderne destiné
à équiper la R 8. C'est ce dernier qui servira de
base de développement aux moteurs de compétition.
Amédée Gordini dont les ateliers du boulevard
Victor à Paris ne subsistent que grâce
à la Régie, est chargé de la mise au
point des différentes versions dont l'une d'elle devra
pouvoir équiper la remplaçante de la Dauphine
1093, ce sera la R 8 Gordini.
Pour René Bonnet, en plus d'un moteur pour concevoir une
voiture de compétition, le deuxième point crucial
réside dans le choix de la boîte de vitesses.
Le contrat impose le recours à un maximum de
pièces d'origine Renault. La future boîte
destinée à équiper les Estafette est
de conception moderne en deux demi-carters aluminium, ses
caractéristiques doivent lui permettent une utilisation pour
des puissances de l'ordre de 80 à 100 ch, objectif
envisagé pour les moteurs Gordini. Cette
nouveauté arrive à point.
LA BARQUETTE PROTOTYPE
Une première voiture est
lancée en décembre 1961 avec comme cible
principale la première place dans la catégorie
700 cm3 aux 24 Heures avec pour adversaire : la
Fiat Abarth, l'Osca et la demi-sœur que prépare
Charles Deutsch.
A partir d'une maquette au 1/5ème,
René Bonnet construit un châssis qui, dans son
esprit, reprend le principe de la dernière DB. La voiture
sera en aluminium, comme tous les prototypes de course construits
à l'unité, cette solution étant plus
rapide.
Le châssis multitubulaire permet d'atteindre le poids le plus
réduit possible. La suspension est à roues
indépendantes avec combinés ressort-amortisseur
et freins à disques Lookheed-Bendix à
mâchoires doubles.
Jacques Hubert innove aussi avec l'utilisation du magnésium
pour les roues et les porte-moyeux malgré tous les inconnus
concernant la résistance dans le temps de ce
métal.
Cette recherche permanente de poids minimum conduit à une
valeur record de 450 kg lors du pesage de ces barquettes au Mans.
LA BERLINETTE, LE COUPÉ, LE COACH…
?..... 
Les
voitures prototypes pour le Mans étant lancées,
toute l'équipe se tourne vers la future Grand Tourisme qui
doit remplacer les coach DB.
Nous sommes en janvier 1962, il ne reste plus que 3 mois pour les
essais du Mans en avril.
Jacques Hubert conçoit la voiture : moteur central,
carrosserie plastique, suspension moderne, taille réduite.
L'installation du 4 cylindres transversal de l'Austin Cooper est, un
moment, envisagé. Les 90 ch du 998 cm3
impressionne René Bonnet. Les accords avec Renault modifient
les plans ainsi que les deux places arrières
prévues initialement.
De quelle voiture s'est-il inspiré ? En fait d'aucune en
particulier mais, il est normal de penser que les principales
réussites de l'époque ont eu une influence
certaine sur le dessin et la conception de la voiture.
La Lotus Elite avait montré la possibilité de
concevoir une carrosserie autoporteuse en plastique.
Le grand pare-brise, déjà vu sur une DB et la
Maserati 250, est emprunté à l'Alfa
Roméo SS. La courbure du pavillon a
été prise à l'Alfa Gulietta Sprint
mais d'autres caractères sont plus originaux : La bulle et
l'arrière tronqué, la suspension, le moteur
central.
Différents dessins paraissent dans la presse de
l'époque pour donner une idée de ce que sera
cette voiture (l'Auto-Journal, Sport-Auto en février et
l'Automobile en mars). Celui de Jean-Paul Boivent est
inspiré du plan à l'échelle 1 qui va
servir à la construction de la première maquette
bois.
La berlinette doit être la voiture de Grand Tourisme qui
représentera la nouvelle marque dans les grandes
épreuves internationales (Nurburgring, Targa Florio, etc.)
aux mains de pilotes officiels ou par l'intermédiaire de
clients associés par l'usine, comme c'était le
cas pour les Coach DB les années
précédentes.
La conception de la voiture est proche de la barquette en ce qui
concerne l'architecture générale : emplacement
moteur, boîte de vitesse et type de suspension.
La différence essentielle revient au choix d'une carrosserie
monocoque en plastique comme Colin Chapman en a prouvé la
faisabilité avec ses très rapides Lotus Elite.
Cependant, à la lumière des ennuis
rencontrés sur ces voitures consécutifs
à l'arrachage des points d'ancrage des suspensions, un
semblant de châssis multitubulaire allait être
incorporé lors du moulage de la coque afin de
répartir les efforts transmis par la suspension. La
rigidité de l'ensemble n'est assurée que par le
"collage" des structures dans la coque d'où l'appellation de
"monocoque" adoptée à l'époque.
La construction des coques et des châssis est
confiée aux frères Chappe à
Brie-Comte-Robert.
Ce n'est que fin janvier 1962 que la construction du moule commence. La
maquette en bois sera recouverte de plâtre et de plastique
pour permettre d'avoir un "Master" qui servira pour prendre le moule
nécessaire à la fabrication des futures voitures.
Chez Chappe, la berlinette René Bonnet n'est pas seule. On y
retrouve l'Alpine GT 4 et la nouvelle CD de Charles Deutsch. La
curiosité réciproque des différentes
équipes qui, bien que séparées,
n'ignorent pas complètement l'état d'avancement
des deux autres voitures.
Fin février
1962, si la maquette échelle 1, le Master et l'outillage
nécessaire à l'assemblage du châssis
sont bien avancés, il s'avère impossible de
sortir une première voiture pour le 8 avril date des essais
préliminaires des 24 Heures du Mans.
Pour Chappe, les premiers exemplaires ne pourront pas sortir avant le
15 mai.
7 et 8 AVRIL 1962 - ESSAIS DU MANS
Une seule barquette est prête pour ce week-end d'essais. Ce
n'est qu'en fin d'après-midi le samedi que Gérard
Laureau amène fièrement la René Bonnet
n°45 sur la piste. Le moteur n'est pas celui attendu
à double arbre à came en tête mais
pourtant la culasse est hémisphérique avec
bougies au centre et soupapes actionnées directement par les
culbuteurs sans renvoi. Amédée Gordini est un
spécialiste de ce genre de dessin. La base semble provenir
de la Floride Renault accouplée à la nouvelle
boîte de l'Estafette.
Les essais sont
prometteurs et rendent optimistes René Bonnet et son fils
Claude qui en font part à M. Pelletier, le directeur du
service compétition de BP Energol, un des partenaires de
l'équipe.
La caisse alu est peinte en bleu et elle arbore fièrement
les nouveaux logos des Automobiles René Bonnet.
Un capricorne (signe
zodiacal de René Bonnet) bondissant couvre les deux drapeaux
de course. Le français qui donne les départ et
les damiers de l'arrivée. Sur les flancs de la barquette,
les drapeaux sont croisés.
Quelques bons temps du week-end : W. Mairesse (Ferrari GTO) 4'07''1, G.
Laureau (Bonnet-Renault) 5'23''2, Boyer (CD) 5'47''4.
L'ATELIER DE CHAMPIGNY
Parallèlement à la création de cette
nouvelle voiture chez Chappe, à Champigny on ne s'endort pas.
Tous les efforts se portent sur la définition des
suspensions, du système de freinage à disques sur
les quatre roues et en plus sur la fabrication des roues. Tous ces
domaines sont nouveaux et très peu connus à
l'époque même dans le milieu de la
compétition.
La suspension avant fait appel à un triangle
supérieur en tube rond articulé sur le
châssis par l'intermédiaire de Silentblocs.
Le triangle inférieur est constitué d'un bras en
tube carré portant la rotule du pivot et d'un tirant
réglable permettant de faire varier l'angle de chasse
(articulation sur Unibal). Le combiné ressort amortisseur
réglable est articulé sur le bras
inférieur. L'encrage supérieur est
effectué sur une platine reliée au treillis
tubulaire avant.
A l'arrière, le porte moyeu en magnésium est
guidé en haut par un bras en Y et un triangle
inversé en bas.
Deux tirants équipés de rotules Unibal encaissent
les efforts longitudinaux et assurent le positionnement des roues.
De même
qu'à l'avant, un combiné ressort-amortisseur
assure la suspension et permet le réglage de la garde au sol
de la voiture.
Nous sommes en présence d'une suspension ultramoderne,
réglable dans tous les sens et caractéristique
d'une véritable voiture de course.
Les solutions d'avant-garde, séduisantes dans leur principe
n'ont qu'un inconvénient, mais de taille, c'est qu'elles
sont mal connues et que leur mise au point absorbera beaucoup de temps
à la petite équipe.
25 MAI 1962 - 1000 km DU NURBURGRING
Six semaines après les essais préliminaires, le
match débute entre RB et CD. Cette course,
prélude des 24 Heures, est le véritable banc
d'essai pour les pilotes et les machines. Seule la barquette, qui porte
le n°103, pilotée par Gérard Laureau et
Jean Vinatier, est présente devant 360 000 spectateurs.
Elle est équipée d'un moteur de 704 cm3
(course: 54mm, alésage: 64,5mm), puisque les moins de 700 cm3
ne sont pas admisent aux 24 Heures du Mans, il développe 70
ch à 8000 t/mn. Ces 100 ch/litre sont un beau
résultat pour le sorcier Amédée
Gordini.
Profitant des ennuis des deux CD, la René Bonnet termine 20ème
au scratch et 1ère de sa
catégorie en 1000 cm3. C'est un
excellent résultat doublé de la satisfaction de
terminer sans aucun ennui pour une première sortie.
23 et 24 JUIN 1962 - LES 24 HEURES DU MANS
C'est le mardi 19 juin, journée du pesage, que les pilotes
désignés découvrent ce qu'ils
appellent le "coupé" qui porte le n°46 et
baptisé "Djet". La ligne très fine, les
proportions harmonieuses et le fini de l'habitacle (les organisateurs
exigent, en effet, une présentation intérieure
soignée) les rendent admiratifs. Le couvercle moteur est
même recouvert de cuir (sans doute du Skaï).
Les "anciens" Paul
Armagnac et Gérard Laureau sont là, bien
sûr, de même que Jean Vinatier et Robert Bouharde,
tous issus de l'époque DB et se partagent les deux
barquettes présentes.
L'équipe est complétée par Bernard
Consten, champion de France de Tourisme 1961, et José
Rosinski, pilote de monoplace pour le coupé "Djet".
Jean-Claude Vidilles et Rollin sont en réserve, en cas de
défection.
Ce planning est respecté, du moins jusqu'au moment
où, tapant durement à Maison Blanche lors des
essais officiels, la barquette n°49, alors pilotée
par Robert Bouharde, doit être retirée. Son moteur
(704 cm³) est monté dans le "Djet"
(ex-suppléant) qui prend le n°61 et au lieu de
Rollin, Vidilles reçoit l'appui de Vinatier.
En course, les débuts sont difficiles. Moteur
surchauffé, le "Djet" n°61 abandonne
après deux heures de course, alors que,
pédale de frein cassée, Laureau et Armagnac les
fers de lance de l'équipe sur la barquette n°50,
sont immobilisés une demi-heure à leur stand,
après seulement trois tours de ronde. Comme un peu plus
tard, après quelques soucis côté freins
et embrayage, Consten-Rosinski sur la n°46 vont rouler sans
leur 4ème rapport, le ciel
s'obscurcit.
Paradoxe : c'est à partir de tous ces malheurs que
René Bonnet et les siens retrouvent des raisons
d'espérer. Seul rescapé
dans la classe 851 à 1000 cm³, le "Djet"
n°46, établit un nouveau record en parcourant
3421,551 km à 142,565 km/h et, revenu à la
cravache, Laureau-Armagnac vont rafler la
médaille d'argent à l'indice de performance,
battus de deux petits tours par la Panhard-CD ! La barquette
n°50 a parcouru 3396,906 km à 141,538 km/h. On
imagine aisément quel classement elle aurait pu
espérer sans un long arrêt pour une banale soudure
! Au classement général à la distance,
elles sont respectivement 17ème et 18ème,
c'est-à-dire
aux deux dernières places classées.
Cette course est une sécurité pour l'avenir et un
encouragement pour René Bonnet, Amédée
Gordini et la régie Renault qui doit, après cette
expérience concluante, accroître encore son effort
pour la course.
11 JUILLET 1962 - PRESENTATION DE LA GAMME DES
AUTOMOBILES RENE BONNET
Après quelques mois d'existence, la
société des Automobiles René Bonnet
est "baptisée" dans le cadre très vaste et
très agréable du Bowling de Paris au Jardin
d'acclimatation. Evénement très parisien qui
rassemble le monde des arts, des lettres et (aussi) de l'automobile.
Notons la
présence des deux "patrons" des études de la
Régie Renault, MM. Fernand Picard et Yves Georges. Ils
officialisent les accords entre la Régie et Bonnet
après son divorce avec Panhard. MM. Triboulet, ministre;
Guèze, concessionnaire pour Paris et André
Moynet, ancien ministre et ami de René Bonnet sont
également présents.
De sa précédente production ne subsiste que le
cabriolet "Le Mans" qui a changé sa mécanique
Panhard pour le 1108 cm3 de l'Estafette Renault.
Sont venus s'y ajouter le cabriolet deux places "Missile" avec le
moteur 845 cm3 de la Dauphine 1093 Renault monté sur une
plate-forme dérivée de la R4 Renault et le coach
"Djet" vu au Mans.
Les modèles destinés à la
clientèle sont jolis et fort habitables, le plus
remarqué étant le sportif "Djet",
déjà bien connu depuis sa participation aux 24
Heures. Pour l'instant, ce modèle demeure en
catégorie "Expérimentale" en raison de
l'obligation (périmée mais toujours en vigueur)
d'avoir cent exemplaires pour être homologué en
Grand Tourisme. De ce fait, il ne pourra pas participer au Tour de
France automobile du 15 au 23 septembre.
Il doit être livré en deux versions :
- Modèle Standard : moteur 956 cm3
à 5 paliers au prix de18.000 NF
- Modèle Rallye : moteur 996 cm3
à culasse hémisphérique au prix de
25.000 NF
En dehors du mythique modèle "Le Mans", les nouvelles
voitures René Bonnet sont placées sous le signe de
l'aéronautique. Pourquoi ces appellations "Djet" et
"Missile" ?
A la suite de son rapprochement avec la firme Matra, qui fabrique de
l'armement aéronautique militaire et totalement inconnue du
grand public (voir plus haut), René Bonnet a
baptisé ses propres voitures "Missile" et "Djet". Il a
ajouté un "D" devant Jet pour une prononciation à
l'américaine…
Dans sa note de presse, René Bonnet écrit :
"Le programme de notre nouvelle firme est vaste. Il consiste
à faire briller les couleurs françaises en
compétition et à offrir aux amateurs une gamme de
modèles sûrs et rapides, à des prix
particulièrement compétitifs,
bénéficiant directement et très vite
de l'expérience de la course, mais d'un entretien facile
puisque construits à partir d'éléments
de très grande série.
A cet effet, un accord avec le plus grand constructeur
français: la Régie Nationale des Usines Renault,
dont les dirigeants ont prouvé une magnifique et sportive
compréhension, constitue une véritable garantie
pour la clientèle tant sur le plan national qu'international.
Outre ces appuis des "clients-amis-actionnaires" et de la
Régie, une grande aide nous a été
fournie par plusieurs grands noms de l'automobile, entre autres par la
dynamique Société des Pétroles BP."
15 JUILLET 1962 - TROPHEES D'AUVERGNE
Epreuve de 300 km, elle admet au départ aussi bien les
voitures "Grand Tourisme" que les "Expérimentales" et les
"Sport". Ce mélange eût pu être
gênant si ces dernières de forte
cylindrée avaient dominé la course de bout en
bout. Fort heureusement la seule voiture susceptible d'afficher une
pareille supériorité, la Ferrari 3 litres de
l'écurie République de Venise, pilotée
par Nino Vaccarella, fut contrainte à un arrêt au
stand qui lui ôta toute chance.
Hormis les GT, le second pôle d'attraction de la course
résidait dans la course des moyennes et faibles
cylindrées. Bon comportement des Simca-Abarth mais
l'intérêt principal concernait le match
Lotus-Bonnet. La Lotus "23" de Bernard Consten, malgré un
mauvais départ, n'en a pas moins terminé
à la neuvième place du classement absolu devant
la Simca-Abarth, la René Bonnet et... les Porsche.
Pour la René Bonnet, le résultat est
très encourageant. La voiture tient la route et, seuls les
freins donnent encore quelques soucis au pilote. Quant au moteur,
dessiné et mis au point par Amédée
Gordini, son rendement est bon. Il sera toutefois nécessaire
de trouver encore un léger surcroît de puissance.
René Bonnet et Amédée Gordini sont
cependant sur la bonne voie.
Au classement final, les René Bonnet terminent :
- 12ème : Gérard Laureau
(barquette n°50), 16ème :
Jean Vinatier (Djet n°46), 18e : Paul Armagnac (Djet
n°61).
Le vainqueur Carlo Abate sur Ferrari 250 GTO aura parcouru les 300 km
en 2 h 35' 25" soit à la moyenne de 118,168 km/h.
21/22 JUILLET 1962 - RALLYE DE L'ARMAGNAC - PAUL
ARMAGNAC PROPHETE EN SON PAYS !
Organisé par l’AC de l’Armagnac, le
rallye 1962 fut bien dans la tradition. Une fois encore, il a
été très dur et s’est
révélé extrêmement
sélectif.
Il n’est pas étonnant de voir figurer à
son palmarès des pilotes aussi réputés
que Henri Oreiller, Pierre Gelé et Paul Armagnac. Il y avait
en effet trois classements, les organisateurs ayant ouvert leur
épreuve aux concurrents disposant de voitures de sport.
Dès la première étape :
Nogaro - Bagnières de Bigorre (26 km), et ses 13
kilomètres chronométrés de Manse
à Banios, un certain nombre d’espoirs
s’envolaient. Sur les 53 équipes ayant pris le
départ, 3 seulement parvenaient à passer dans les
délais : Paul Armagnac (René Bonnet),
Pierre Gelé (DKW), Peyresaube (DKW).
Les trois régionaux marquaient un net avantage, puisque
René Trautmann en Tourisme était
pénalisé de 12 sec et Henri Oreiller en Grand
Tourisme, de 7 sec.
Le lendemain, il fallait penser aux choses
sérieuses : l’itinéraire
comportait trois cols pour faire la décision. Au sommet de
l’Aspin, il n’y avait plus que 42 voitures.
L’hécatombe avait deux bonnes causes
principales : le brouillard et la route très
glissante. L’abandon de Robert Buchet avait pour motif un
différend avec les chronométreurs ;
celui de René Trautmann, qui ne serait pas
lui-même s’il ne prenait pas un maximum de risques,
était dû aux séquelles d’une
« entrée dans le
décor ».
Dans
la descente, Benoît quittait la piste, sans autre mal
que des dégâts matériels ; le
meilleur temps était réalisé par
Oreiller, loin du record de Willy Mairesse en
7’57’’.
En haut du Tourmalet escaladé, lui aussi, dans le
brouillard ; 37 équipes restaient en course. Une
fois de plus, Henri Oreiller avait été le plus
rapide. En comparant son temps 9’28’’3/5
au record de Gendebien 8’13’’3/10 on se
rend compte des conditions de l’escalade.
Le col du Soulor, par contre, constitua une simple
formalité. Oreiller toujours le plus vite, escaladait la
côte en 6’01’’1/10 devant Paul
Armagnac (6’23’’3/10), Praud
(6’25’’2/10), Pierre Gelé
(6’39’’2/10) et Roueylou
(6’42’’4/10).
Pour terminer, trois tours du circuit de Nogaro achevaient
l’attribution des places d’honneur. Henri Oreiller
s’imposait encore en 3’28 devant Paul Armagnac
(3’29) et Roueylou (3’36’’4).
A la suite de ces tests difficiles, Pierre Gelé et Mlle
Gérard (DKW) s’attribuaient non seulement le
classement à l’indice mais aussi la victoire en
Tourisme (scratch) ; Henri Oreiller-Burglin (Ferrari)
gagnaient en Grand Tourisme ; Paul Armagnac (René
Bonnet) en Sport. Comme quoi, il est possible
d’être prophète en son pays !
Classement
Général à
l’indice :
|
|
Classement
Sport : |
1er
|
Gelé-Mlle
Gérard |
DKW |
8.804
pts |
|
1er |
Armagnac-Sublena
n°116 |
René
Bonnet |
10.099
pts |
2e |
Peyresaube-Mlle
Campagne |
DKW |
9.146
pts |
|
2e |
Mlle
Petit |
Porsche |
11.401
pts |
3e |
Gardinier-Ducasse |
DKW |
9.474
pts |
|
3e |
Rispal |
Renault
Rispal |
12.812
pts |
4e |
Armagnac-Sublena
n°116 |
René
Bonnet |
9.522
pts |
|
|
|
|
|
5e |
Oreiller-Burglin |
Ferrari |
9.526
pts |
|
|
|
|
|
MAIS
EGALEMENT…
Le 12 août, à la côte du Mont Dore, Paul
Armagnac sur la barquette n°96 termine 12ème
au scratch et 1er de la classe 1 en Sport
(3'42'' à la moyenne de 81,081 km/h).
Le 2 septembre, à la côte de Chamrousse,
Gérard Laureau termine 1er en
Expérimental, moins de 1000 cm3 en
12'12'' et Marcel Picard, 4e en 13'05''4.
Le 9 septembre, à la côte d'Urcy,
Gérard Laureau termine 1er en
Expérimental, moins de 1000 cm3 en
2'01''2 et Marcel Picard, 4ème en
2'08''.
Le 23 septembre, aux coupes de Paris à Montlhéry,
Gérard Laureau termine 1er en GT 1000
cm³ sur la barquette n°52 ayant parcouru 50,100 km (15
tours) en 24' 51", moyenne : 121,901 km/h.
LES DJET VERSION CIVILE
De retour à Champigny, les deux Djet bleu
métallisé font s'extasier les clients acheteurs
potentiels. Mais, de par la conception du treillis tubulaire
noyé dans la carrosserie, il est difficile de la fabriquer
en petite série à prix compétitif, et,
de plus, l'accord des suspensions n'a pas encore
été évident à trouver.
D'où, sous la pression de Claude le fils de René
Bonnet, l'idée de revenir à une classique poutre
centrale en acier déjà vue par ailleurs chez DB
ou Alpine, qui offre suffisamment de rigidité et de volume
pour les baquets, en ménageant l'accessibilité
lors de l'ouverture des portes. A l'avant, on adapte la traverse de la
nouvelle R8 (raccourcie de 8 cm),
tandis que la suspension originale triangulée est
conservée à l'arrière mais avec
doubles ressorts hélicoïdaux. Evidemment, pour la
"série", on va se ruer sur les pièces de la R8 :
direction, chauffage, pédalier, freins, et même
jantes en tôle de 15 pouces chaussées de petits
pneus de 145 qui remplaceront les 13 pouces en magnésium,
nécessitant une nouvelle découpe plus haute des
ailes. Bref, on civilise.
Sous la "bulle" arrière, on monte, toujours en position
centrale, le 5 paliers en version 1108 cm³ qui est en fait, la
nouvelle mécanique de l'Estafette.
Bien sûr, on adapte ce bloc à l'utilisation
sportive. La culasse est retravaillée, l'arbre à
cames latéral changé pour un plus
"méchant". Le volant moteur est
allégé, l'allumeur est spécifique
(avec prise compte-tours mécanique), de même que
la pipe d'admission avec un carburateur Zénith de 32 et une
ligne d'échappement Rosi. S'il développe 48 ch
SAE en version Renault, en 1108 il atteint sur les Djet 70 ch SAE (65
DIN), selon les modèles, soit 40% de puissance en plus.
Si la boîte de vitesses, montée en porte
à faux arrière, cachée par une petite
grille de calandre, elle emprunte les carters de l'Estafette. La
pignonnerie interne est spécifique, se
caractérisant par des rapports très longs.
4 au 14 OCTOBRE - 49ème
SALON DE L'AUTOMOBILE DE PARIS
C'est au Parc des Expositions de la porte de Versailles que se tient
désormais le Salon de l'Automobile.
Le grand public découvre la gamme des automobiles
René Bonnet.
Les cabriolets "Missile" (845 cm³) et "Le Mans" qui
reçoit, le bloc moteur 1108 cm³ monté en
porte à faux avant et les coach "Djet", annoncés
en modèle Standard et Rallye, deviennent les versions I, II,
III, IV.
- Djet I : moteur 1108 cm³, 70 ch, culasse classique,
châssis poutre : 18.000 F
- Djet II : moteur 1108 cm³, 80 ch, culasse
hémisphérique, châssis poutre : 21.000 F
- Djet III : moteur 998 cm³, 80 ch, culasse
hémisphérique, châssis tubulaire :
25.000 F
- Djet IV : moteur 998
cm³, 100 ch, culasse à 2 ACT, châssis
tubulaire : 30.000 F
Au même salon : la DS 19 Citroën vaut 14.425 F, le
coupé 404 Peugeot 18.250 F, la Facellia Facel
Véga 21.800 F
Ces configurations ne sont pas figées et toute adaptation
à la demande du client est possible. La mise en
chaîne est lente, et seuls les "Djet" compétition
sont visibles : 17 tubulaires sont fabriqués en 1962. Les
quelques 150 clients ayant passé commande devront attendre
juillet 63 pour les premières livraisons.
20, 21 OCTOBRE 1962 - 1000 km DE PARIS A MONTLHERY
Aux essais du samedi 20, la barquette 1000 cm³, aux mains de
Paul Armagnac, est déséquilibrée au
passage de la cuvette de Couard (surnommée "le trou")
précédant la côte Lapize.
Grièvement blessé, le sympathique champion
fidèle à René Bonnet succombera le
lundi 22.
Le dimanche 21 la course a lieu mais la tristesse règne dans
l'équipe René Bonnet malgré le soleil
qui baigne le circuit.
Ces 1000 km comprennent, en fait, trois courses. Celle des Ferrari,
auxquelles est opposée l'Aston Martin de Jim Clark, celle
des Porsche 1600 contre les Lotus et Abarth 1300 et celle des 1000 cm3.
La Ferrari GTO des frères Rodriguez gagne la
première après l'abandon de l'Aston Martin de Jim
Clark (alors aux mains de son équipier John Whitemore).
Porsche gagne, une fois encore, sa catégorie et Abarth avec
Mauro Bianchi et Hans Herrmann gagne en classe 1300. En 1000, la
troisième Abarth, engagée par des
indépendants, Bobrowski et Ruata termine en bonne position,
derrière les deux voitures "Expérimentales" de la
catégorie et très loin devant la Panhard-CD de
Guilhaudin et Bertaut qui a connu des ennuis divers, allant de la
sortie de route, à la panne d'allumage. C'est aussi une
panne d'allumage (court-circuit à la dynamo), qui a faillit
arrêter définitivement la René Bonnet
à quelques tours seulement de la fin de course. La lutte se
résume à un duel Lotus-Bonnet. La Lotus 23 est
pilotée par… José Rosinski et Bernard
Consten.
Pour René Bonnet, après le dramatique accident
des essais, seule la barquette n°45 est engagée aux
mains de Jean Vinatier et Robert Bouharde. Elle est
équipée du double arbre à cames
Renault-Gordini de 98 ch.
A la lumière des performances
réalisées autant sur le circuit de
Clermont-Ferrand que lors des 1000 km de Paris, l'écart
semble important. Alors que le comportement de la Lotus est
considéré comme parfait par les
spécialistes, chez René Bonnet on recherche
encore le bon équilibre de la voiture et un regain de
puissance de freinage. Un nouveau châssis doit être
dessiné durant l'hiver. De toute façon, il est
probable que le règlement concernant les
"Expérimentales", que va publier la Commission Sportive
Internationale courant décembre, obligera les constructeurs
à modifier sensiblement ces prototypes.
Le bilan de ces 1000 kilomètres est facile et logique.
Pédro et Ricardo Rodriguez ont quitté leur
rôle de futurs prodiges pour celui de pilotes de premier
plan. En moins de 1000 cm³, Lotus a gagné parce
qu'ils possèdent incontestablement la meilleure voiture du
moment.
La René Bonnet termine sans enthousiasme, 13ème
au général à 21 tours des
frères Rodriguez et seconde derrière la Lotus
mais, première voiture française
malgré tout.
Les
obsèques de Paul Armagnac sont
célébrés le jeudi 25 octobre 1962,
mettant un terme à une brillante carrière avec
les voitures de René Bonnet.
Onze
jours plus tard, Ricardo Rodriguez se tue à Mexico...
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