LES DJET - TOUTE L'HISTOIRE
L'année 1962

Par Yves Marchais

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LA RUPTURE
Après un dernier succès aux 24 Heures du Mans sous la marque DB, Charles Deutsch et René Bonnet se séparent fin 1961, pour fonder chacun leur propre marque.
Le 48ème salon de l'Automobile de Paris se tient, du 5 au 15 octobre 1961, au Grand Palais.
La marque DB présente, pour la dernière fois, ses modèles "Le Mans" en version Racing, Luxe et Grand Luxe en cabriolet ou coupé à mécanique Panhard.
 

LES AUTOMOBILES RENE BONNET
Courant 1961 André Moynet, pilote, ancien ministre et ami personnel de René Bonnet, lui présente M. Chassagny, P. D. G. de la société Matra (Mécanique Avion TRAction), alors spécialisée dans l'aéronautique et l'armement.
A compter du 2 novembre 1961, la société EPAF (qui construit et commercialise les DB) devient Automobiles René Bonnet avec, comme Président Directeur Général, René Bonnet. Cette société continue la fabrication des automobiles de la marque DB qui, grâce aux appuis de Moynet et de la Matra, a pu faire l'acquisition d'une usine située à Romorantin (Loire et Cher). La GAP (Générale d'Application Plastique), propriété de Matra et installée sur place, fabrique les carrosseries en "plastique" (polyester) pour René Bonnet.
Dans les ateliers de Champigny subsistent le bureau d'études, le service compétition et la fabrication des prototypes.

L'HOMME RENE BONNET

René Bonnet, né le 27 décembre 1904 à Vaumas (Allier), aborde le sport automobile en 1932 alors qu'il est agent Citroën à Champigny sur Marne (Seine). Il développe sa propre affaire dans des locaux loués à la famille Deutsch. Se liant d'amitié pour le fils Charles, ils construisent une voiture de course sur la base de la Citroën traction avant à moteur 2 litres. La première DB tourne en 1938 et jusqu'à fin 1961, les victoires vont s'accumuler par centaines et la "Marseillaise" retentit souvent sur les circuits du monde entier.
 
L'HEURE DU CHOIX
A cette époque, la conception des voitures de courses est en pleine évolution. Les avantages du moteur central commencent à être reconnus. Cette disposition a déjà été essayée sur la barquette n°45 à moteur Panhard 850 cm3 de Jean-Claude Vidilles et André Moynet, cette année 1961 au Mans où elle termine seconde des 6 DB en course derrière la n°53 de 702 cm3 de Gérard Laureau et Paul Armagnac, vainqueurs à l'indice de performance.
Si Charles Deutsch reste fidèle à la traction avant, l'équipe de René Bonnet, sous l'impulsion de Jacques Hubert, a décidé d'adopter le moteur central.

La situation de René Bonnet n'est pas facile, il lui faut en très peu de temps redéfinir des voitures "de série" pour continuer à vivre et l'utilisation des moteurs Panhard est problématique.
Ce constructeur traverse une période difficile et le début de prise de contrôle par Citroën conduit Paul Panhard à conseiller René Bonnet de se tourner vers un autre fournisseur de moteurs.

MECANIQUE RENAULT
Au début des années soixante, le seul constructeur français qui ne considère pas la compétition comme un lieu de perdition s'appelle Renault essentiellement par la volonté de Louis Dreyfus alors Président de la Régie.
Tout un programme est mis sur pied pour associer la régie Renault à la nouvelle marque des "Automobiles René Bonnet".
- Un nouveau groupe 5 paliers plus moderne destiné à équiper la R 8. C'est ce dernier qui servira de base de développement aux moteurs de compétition.
Amédée Gordini dont les ateliers du boulevard Victor à Paris ne subsistent que grâce à la Régie, est chargé de la mise au point des différentes versions dont l'une d'elle devra pouvoir équiper la remplaçante de la Dauphine 1093, ce sera la R 8 Gordini.
Pour René Bonnet, en plus d'un moteur pour concevoir une voiture de compétition, le deuxième point crucial réside dans le choix de la boîte de vitesses.
Le contrat impose le recours à un maximum de pièces d'origine Renault. La future boîte destinée à équiper les Estafette est de conception moderne en deux demi-carters aluminium, ses caractéristiques doivent lui permettent une utilisation pour des puissances de l'ordre de 80 à 100 ch, objectif envisagé pour les moteurs Gordini. Cette nouveauté arrive à point.

LA BARQUETTE PROTOTYPE
Une première voiture est lancée en décembre 1961 avec comme cible principale la première place dans la catégorie 700 cm3 aux 24 Heures avec pour adversaire : la Fiat Abarth, l'Osca et la demi-sœur que prépare Charles Deutsch.
A partir d'une maquette au 1/5ème, René Bonnet construit un châssis qui, dans son esprit, reprend le principe de la dernière DB. La voiture sera en aluminium, comme tous les prototypes de course construits à l'unité, cette solution étant plus rapide.
Le châssis multitubulaire permet d'atteindre le poids le plus réduit possible. La suspension est à roues indépendantes avec combinés ressort-amortisseur et freins à disques Lookheed-Bendix à mâchoires doubles.
Jacques Hubert innove aussi avec l'utilisation du magnésium pour les roues et les porte-moyeux malgré tous les inconnus concernant la résistance dans le temps de ce métal.
Cette recherche permanente de poids minimum conduit à une valeur record de 450 kg lors du pesage de ces barquettes au Mans.

LA BERLINETTE, LE COUPÉ, LE COACH… ?
.....

Les voitures prototypes pour le Mans étant lancées, toute l'équipe se tourne vers la future Grand Tourisme qui doit remplacer les coach DB.
Nous sommes en janvier 1962, il ne reste plus que 3 mois pour les essais du Mans en avril.
Jacques Hubert conçoit la voiture : moteur central, carrosserie plastique, suspension moderne, taille réduite. L'installation du 4 cylindres transversal de l'Austin Cooper est, un moment, envisagé. Les 90 ch du 998 cm3 impressionne René Bonnet. Les accords avec Renault modifient les plans ainsi que les deux places arrières prévues initialement.
De quelle voiture s'est-il inspiré ? En fait d'aucune en particulier mais, il est normal de penser que les principales réussites de l'époque ont eu une influence certaine sur le dessin et la conception de la voiture.
La Lotus Elite avait montré la possibilité de concevoir une carrosserie autoporteuse en plastique.
Le grand pare-brise, déjà vu sur une DB et la Maserati 250, est emprunté à l'Alfa Roméo SS. La courbure du pavillon a été prise à l'Alfa Gulietta Sprint mais d'autres caractères sont plus originaux : La bulle et l'arrière tronqué, la suspension, le moteur central.
Différents dessins paraissent dans la presse de l'époque pour donner une idée de ce que sera cette voiture (l'Auto-Journal, Sport-Auto en février et l'Automobile en mars). Celui de Jean-Paul Boivent est inspiré du plan à l'échelle 1 qui va servir à la construction de la première maquette bois.
La berlinette doit être la voiture de Grand Tourisme qui représentera la nouvelle marque dans les grandes épreuves internationales (Nurburgring, Targa Florio, etc.) aux mains de pilotes officiels ou par l'intermédiaire de clients associés par l'usine, comme c'était le cas pour les Coach DB les années précédentes.
La conception de la voiture est proche de la barquette en ce qui concerne l'architecture générale : emplacement moteur, boîte de vitesse et type de suspension.
La différence essentielle revient au choix d'une carrosserie monocoque en plastique comme Colin Chapman en a prouvé la faisabilité avec ses très rapides Lotus Elite. Cependant, à la lumière des ennuis rencontrés sur ces voitures consécutifs à l'arrachage des points d'ancrage des suspensions, un semblant de châssis multitubulaire
allait être incorporé lors du moulage de la coque afin de répartir les efforts transmis par la suspension. La rigidité de l'ensemble n'est assurée que par le "collage" des structures dans la coque d'où l'appellation de "monocoque" adoptée à l'époque.
La construction des coques et des châssis est confiée aux frères Chappe à Brie-Comte-Robert.
Ce n'est que fin janvier 1962 que la construction du moule commence. La maquette en bois sera recouverte de plâtre et de plastique pour permettre d'avoir un "Master" qui servira pour prendre le moule nécessaire à la fabrication des futures voitures.
Chez Chappe, la berlinette René Bonnet n'est pas seule. On y retrouve l'Alpine GT 4 et la nouvelle CD de Charles Deutsch. La curiosité réciproque des différentes équipes qui, bien que séparées, n'ignorent pas complètement l'état d'avancement des deux autres voitures.
Fin février 1962, si la maquette échelle 1, le Master et l'outillage nécessaire à l'assemblage du châssis sont bien avancés, il s'avère impossible de sortir une première voiture pour le 8 avril date des essais préliminaires des 24 Heures du Mans.
Pour Chappe, les premiers exemplaires ne pourront pas sortir avant le 15 mai.

7 et 8 AVRIL 1962 - ESSAIS DU MANS
Une seule barquette est prête pour ce week-end d'essais. Ce n'est qu'en fin d'après-midi le samedi que Gérard Laureau amène fièrement la René Bonnet n°45 sur la piste. Le moteur n'est pas celui attendu à double arbre à came en tête mais pourtant la culasse est hémisphérique avec bougies au centre et soupapes actionnées directement par les culbuteurs sans renvoi. Amédée Gordini est un spécialiste de ce genre de dessin. La base semble provenir de la Floride Renault accouplée à la nouvelle boîte de l'Estafette.
Les essais sont prometteurs et rendent optimistes René Bonnet et son fils Claude qui en font part à M. Pelletier, le directeur du service compétition de BP Energol, un des partenaires de l'équipe.
La caisse alu est peinte en bleu et elle arbore fièrement les nouveaux logos des Automobiles René Bonnet.
Un capricorne (signe zodiacal de René Bonnet) bondissant couvre les deux drapeaux de course. Le français qui donne les départ et les damiers de l'arrivée. Sur les flancs de la barquette, les drapeaux sont croisés.
Quelques bons temps du week-end : W. Mairesse (Ferrari GTO) 4'07''1, G. Laureau (Bonnet-Renault) 5'23''2, Boyer (CD) 5'47''4.


L'ATELIER DE CHAMPIGNY
Parallèlement à la création de cette nouvelle voiture chez Chappe, à Champigny on ne s'endort pas.
Tous les efforts se portent sur la définition des suspensions, du système de freinage à disques sur les quatre roues et en plus sur la fabrication des roues. Tous ces domaines sont nouveaux et très peu connus à l'époque même dans le milieu de la compétition.
La suspension avant fait appel à un triangle supérieur en tube rond articulé sur le châssis par l'intermédiaire de Silentblocs.
Le triangle inférieur est constitué d'un bras en tube carré portant la rotule du pivot et d'un tirant réglable permettant de faire varier l'angle de chasse (articulation sur Unibal). Le combiné ressort amortisseur réglable est articulé sur le bras inférieur. L'encrage supérieur est effectué sur une platine reliée au treillis tubulaire avant.
A l'arrière, le porte moyeu en magnésium est guidé en haut par un bras en Y et un triangle inversé en bas.
Deux tirants équipés de rotules Unibal encaissent les efforts longitudinaux et assurent le positionnement des roues.
De même qu'à l'avant, un combiné ressort-amortisseur assure la suspension et permet le réglage de la garde au sol de la voiture.
Nous sommes en présence d'une suspension ultramoderne, réglable dans tous les sens et caractéristique d'une véritable voiture de course.
Les solutions d'avant-garde, séduisantes dans leur principe n'ont qu'un inconvénient, mais de taille, c'est qu'elles sont mal connues et que leur mise au point absorbera beaucoup de temps à la petite équipe.


25 MAI 1962 - 1000 km DU NURBURGRING
Six semaines après les essais préliminaires, le match débute entre RB et CD. Cette course, prélude des 24 Heures, est le véritable banc d'essai pour les pilotes et les machines. Seule la barquette, qui porte le n°103, pilotée par Gérard Laureau et Jean Vinatier, est présente devant 360 000 spectateurs.
Elle est équipée d'un moteur de 704 cm3 (course: 54mm, alésage: 64,5mm), puisque les moins de 700 cm3 ne sont pas admisent aux 24 Heures du Mans, il développe 70 ch à 8000 t/mn. Ces 100 ch/litre sont un beau résultat pour le sorcier Amédée Gordini.

Profitant des ennuis des deux CD, la René Bonnet termine 20ème au scratch et 1ère de sa catégorie en 1000 cm3. C'est un excellent résultat doublé de la satisfaction de terminer sans aucun ennui pour une première sortie.

23 et 24 JUIN 1962 - LES 24 HEURES DU MANS
C'est le mardi 19 juin, journée du pesage, que les pilotes désignés découvrent ce qu'ils appellent le "coupé" qui porte le n°46 et baptisé "Djet". La ligne très fine, les proportions harmonieuses et le fini de l'habitacle (les organisateurs exigent, en effet, une présentation intérieure soignée) les rendent admiratifs. Le couvercle moteur est même recouvert de cuir (sans doute du Skaï).
Les "anciens" Paul Armagnac et Gérard Laureau sont là, bien sûr, de même que Jean Vinatier et Robert Bouharde, tous issus de l'époque DB et se partagent les deux barquettes présentes.
L'équipe est complétée par Bernard Consten, champion de France de Tourisme 1961, et José Rosinski, pilote de monoplace pour le coupé "Djet". Jean-Claude Vidilles et Rollin sont en réserve, en cas de défection.
Ce planning est respecté, du moins jusqu'au moment où, tapant durement à Maison Blanche lors des essais officiels, la barquette n°49, alors pilotée par Robert Bouharde, doit être retirée. Son moteur (704 cm³) est monté dans le "Djet" (ex-suppléant) qui prend le n°61 et au lieu de Rollin, Vidilles reçoit l'appui de Vinatier.
En course, les débuts sont difficiles. Moteur surchauffé, le "Djet" n°61 abandonne après deux heures de course,
alors que, pédale de frein cassée, Laureau et Armagnac les fers de lance de l'équipe sur la barquette n°50, sont immobilisés une demi-heure à leur stand, après seulement trois tours de ronde. Comme un peu plus tard, après quelques soucis côté freins et embrayage, Consten-Rosinski sur la n°46 vont rouler sans leur 4ème rapport, le ciel s'obscurcit.
Paradoxe : c'est à partir de tous ces malheurs que René Bonnet et les siens retrouvent des raisons d'espérer.
Seul rescapé dans la classe 851 à 1000 cm³, le "Djet" n°46, établit un nouveau record en parcourant 3421,551 km à 142,565 km/h et, revenu à la cravache, Laureau-Armagnac vont rafler la médaille d'argent à l'indice de performance, battus de deux petits tours par la Panhard-CD ! La barquette n°50 a parcouru 3396,906 km à 141,538 km/h. On imagine aisément quel classement elle aurait pu espérer sans un long arrêt pour une banale soudure ! Au classement général à la distance, elles sont respectivement 17ème et 18ème, c'est-à-dire aux deux dernières places classées.
Cette course est une sécurité pour l'avenir et un encouragement pour René Bonnet, Amédée Gordini et la régie Renault qui doit, après cette expérience concluante, accroître encore son effort pour la course.


11 JUILLET 1962 - PRESENTATION DE LA GAMME DES AUTOMOBILES RENE BONNET

Après quelques mois d'existence, la société des Automobiles René Bonnet est "baptisée" dans le cadre très vaste et très agréable du Bowling de Paris au Jardin d'acclimatation. Evénement très parisien qui rassemble le monde des arts, des lettres et (aussi) de l'automobile.
Notons la présence des deux "patrons" des études de la Régie Renault, MM. Fernand Picard et Yves Georges. Ils officialisent les accords entre la Régie et Bonnet après son divorce avec Panhard. MM. Triboulet, ministre; Guèze, concessionnaire pour Paris et André Moynet, ancien ministre et ami de René Bonnet sont également présents.
De sa précédente production ne subsiste que le cabriolet "Le Mans" qui a changé sa mécanique Panhard pour le 1108 cm3 de l'Estafette Renault. Sont venus s'y ajouter le cabriolet deux places "Missile" avec le moteur 845 cm3 de la Dauphine 1093 Renault monté sur une plate-forme dérivée de la R4 Renault et le coach "Djet" vu au Mans.
Les modèles destinés à la clientèle sont jolis et fort habitables, le plus remarqué étant le sportif "Djet", déjà bien connu depuis sa participation aux 24 Heures. Pour l'instant, ce modèle demeure en catégorie "Expérimentale" en raison de l'obligation (périmée mais toujours en vigueur) d'avoir cent exemplaires pour être homologué en Grand Tourisme. De ce fait, il ne pourra pas participer au Tour de France automobile du 15 au 23 septembre.
Il doit être livré en deux versions :
- Modèle Standard : moteur 956 cm3 à 5 paliers au prix de18.000 NF
- Modèle Rallye : moteur 996 cm3 à culasse hémisphérique au prix de 25.000 NF
En dehors du mythique modèle "Le Mans", les nouvelles voitures René Bonnet sont placées sous le signe de
l'aéronautique. Pourquoi ces appellations "Djet" et "Missile" ?
A la suite de son rapprochement avec la firme Matra, qui fabrique de l'armement aéronautique militaire et totalement inconnue du grand public (voir plus haut), René Bonnet a baptisé ses propres voitures "Missile" et "Djet". Il a ajouté un "D" devant Jet pour une prononciation à l'américaine…
Dans sa note de presse, René Bonnet écrit :
"Le programme de notre nouvelle firme est vaste. Il consiste à faire briller les couleurs françaises en compétition et à offrir aux amateurs une gamme de modèles sûrs et rapides, à des prix particulièrement compétitifs, bénéficiant directement et très vite de l'expérience de la course, mais d'un entretien facile puisque construits à partir d'éléments de très grande série.
A cet effet, un accord avec le plus grand constructeur français: la Régie Nationale des Usines Renault, dont les dirigeants ont prouvé une magnifique et sportive compréhension, constitue une véritable garantie pour la clientèle tant sur le plan national qu'international.
Outre ces appuis des "clients-amis-actionnaires" et de la Régie, une grande aide nous a été fournie par plusieurs grands noms de l'automobile, entre autres par la dynamique Société des Pétroles BP."

15 JUILLET 1962 - TROPHEES D'AUVERGNE
Epreuve de 300 km, elle admet au départ aussi bien les voitures "Grand Tourisme" que les "Expérimentales" et les "Sport". Ce mélange eût pu être gênant si ces dernières de forte cylindrée avaient dominé la course de bout en bout. Fort heureusement la seule voiture susceptible d'afficher une pareille supériorité, la Ferrari 3 litres de l'écurie République de Venise, pilotée par Nino Vaccarella, fut contrainte à un arrêt au stand qui lui ôta toute chance.
Hormis les GT, le second pôle d'attraction de la course résidait dans la course des moyennes et faibles cylindrées. Bon comportement des Simca-Abarth mais l'intérêt principal concernait le match Lotus-Bonnet. La Lotus "23" de Bernard Consten, malgré un mauvais départ, n'en a pas moins terminé à la neuvième place du classement absolu devant la Simca-Abarth, la René Bonnet et... les Porsche.
Pour la René Bonnet, le résultat est très encourageant. La voiture tient la route et, seuls les freins donnent encore quelques soucis au pilote. Quant au moteur, dessiné et mis au point par Amédée Gordini, son rendement est bon. Il sera toutefois nécessaire de trouver encore un léger surcroît de puissance. René Bonnet et Amédée Gordini sont cependant sur la bonne voie.
Au classement final, les René Bonnet terminent :
- 12ème : Gérard Laureau (barquette n°50), 16ème : Jean Vinatier (Djet n°46), 18e : Paul Armagnac (Djet n°61).
Le vainqueur Carlo Abate sur Ferrari 250 GTO aura parcouru les 300 km en 2 h 35' 25" soit à la moyenne de 118,168 km/h.

21/22 JUILLET 1962 - RALLYE DE L'ARMAGNAC - PAUL ARMAGNAC PROPHETE EN SON PAYS !
Organisé par l’AC de l’Armagnac, le rallye 1962 fut bien dans la tradition. Une fois encore, il a été très dur et s’est révélé extrêmement sélectif.
Il n’est pas étonnant de voir figurer à son palmarès des pilotes aussi réputés que Henri Oreiller, Pierre Gelé et Paul Armagnac. Il y avait en effet trois classements, les organisateurs ayant ouvert leur épreuve aux concurrents disposant de voitures de sport.
Dès la première étape : Nogaro - Bagnières de Bigorre (26 km), et ses 13 kilomètres chronométrés de Manse à Banios, un certain nombre d’espoirs s’envolaient. Sur les 53 équipes ayant pris le départ, 3 seulement parvenaient à passer dans les délais : Paul Armagnac (René Bonnet), Pierre Gelé (DKW), Peyresaube (DKW).
Les trois régionaux marquaient un net avantage, puisque René Trautmann en Tourisme était pénalisé de 12 sec et Henri Oreiller en Grand Tourisme, de 7 sec.
Le lendemain, il fallait penser aux choses sérieuses : l’itinéraire comportait trois cols pour faire la décision. Au sommet de l’Aspin, il n’y avait plus que 42 voitures. L’hécatombe avait deux bonnes causes principales : le brouillard et la route très glissante. L’abandon de Robert Buchet avait pour motif un différend avec les chronométreurs ; celui de René Trautmann, qui ne serait pas lui-même s’il ne prenait pas un maximum de risques, était dû aux séquelles d’une « entrée dans le décor ».
Dans la descente, Benoît quittait la piste, sans autre mal que des dégâts matériels ; le meilleur temps était réalisé par Oreiller, loin du record de Willy Mairesse en 7’57’’.
En haut du Tourmalet escaladé, lui aussi, dans le brouillard ; 37 équipes restaient en course. Une fois de plus, Henri Oreiller avait été le plus rapide. En comparant son temps 9’28’’3/5 au record de Gendebien 8’13’’3/10 on se rend compte des conditions de l’escalade.
Le col du Soulor, par contre, constitua une simple formalité. Oreiller toujours le plus vite, escaladait la côte en 6’01’’1/10 devant Paul Armagnac (6’23’’3/10), Praud (6’25’’2/10), Pierre Gelé (6’39’’2/10) et Roueylou (6’42’’4/10).
Pour terminer, trois tours du circuit de Nogaro achevaient l’attribution des places d’honneur. Henri Oreiller s’imposait encore en 3’28 devant Paul Armagnac (3’29) et Roueylou (3’36’’4).
A la suite de ces tests difficiles, Pierre Gelé et Mlle Gérard (DKW) s’attribuaient non seulement le classement à l’indice mais aussi la victoire en Tourisme (scratch) ; Henri Oreiller-Burglin (Ferrari) gagnaient en Grand Tourisme ; Paul Armagnac (René Bonnet) en Sport. Comme quoi, il est possible d’être prophète en son pays !

Classement Général à l’indice :

Classement Sport :
1er Gelé-Mlle Gérard DKW 8.804 pts 1er Armagnac-Sublena n°116 René Bonnet 10.099 pts
2e Peyresaube-Mlle Campagne DKW 9.146 pts 2e Mlle Petit Porsche 11.401 pts
3e Gardinier-Ducasse DKW 9.474 pts 3e Rispal Renault Rispal 12.812 pts
4e Armagnac-Sublena n°116 René Bonnet 9.522 pts
5e Oreiller-Burglin Ferrari 9.526 pts

MAIS EGALEMENT…
Le 12 août, à la côte du Mont Dore, Paul Armagnac sur la barquette n°96 termine 12ème au scratch et 1er de la classe 1 en Sport (3'42'' à la moyenne de 81,081 km/h).
Le 2 septembre, à la côte de Chamrousse, Gérard Laureau termine 1er en Expérimental, moins de 1000 cm3 en 12'12'' et Marcel Picard, 4e en 13'05''4.
Le 9 septembre, à la côte d'Urcy, Gérard Laureau termine 1er en Expérimental, moins de 1000 cm3 en 2'01''2 et Marcel Picard, 4ème en 2'08''.
Le 23 septembre, aux coupes de Paris à Montlhéry, Gérard Laureau termine 1er en GT 1000 cm³ sur la barquette n°52 ayant parcouru 50,100 km (15 tours) en 24' 51", moyenne : 121,901 km/h.

LES DJET VERSION CIVILE
De retour à Champigny, les deux Djet bleu métallisé font s'extasier les clients acheteurs potentiels. Mais, de par la conception du treillis tubulaire noyé dans la carrosserie, il est difficile de la fabriquer en petite série à prix compétitif, et, de plus, l'accord des suspensions n'a pas encore été évident à trouver.
D'où, sous la pression de Claude le fils de René Bonnet, l'idée de revenir à une classique poutre centrale en acier déjà vue par ailleurs chez DB ou Alpine, qui offre suffisamment de rigidité et de volume pour les baquets, en ménageant l'accessibilité lors de l'ouverture des portes. A l'avant, on adapte la traverse de la nouvelle R8 (raccourcie de 8 cm), tandis que la suspension originale triangulée est conservée à l'arrière mais avec doubles ressorts hélicoïdaux. Evidemment, pour la "série", on va se ruer sur les pièces de la R8 : direction, chauffage, pédalier, freins, et même jantes en tôle de 15 pouces chaussées de petits pneus de 145 qui remplaceront les 13 pouces en magnésium, nécessitant une nouvelle découpe plus haute des ailes. Bref, on civilise.
Sous la "bulle" arrière, on monte, toujours en position centrale, le 5 paliers en version 1108 cm³ qui est en fait, la nouvelle mécanique de l'Estafette.
Bien sûr, on adapte ce bloc à l'utilisation sportive. La culasse est retravaillée, l'arbre à cames latéral changé pour un plus "méchant". Le volant moteur est allégé, l'allumeur est spécifique (avec prise compte-tours mécanique), de même que la pipe d'admission avec un carburateur Zénith de 32 et une ligne d'échappement Rosi. S'il développe 48 ch SAE en version Renault, en 1108 il atteint sur les Djet 70 ch SAE (65 DIN), selon les modèles, soit 40% de puissance en plus.
Si la boîte de vitesses, montée en porte à faux arrière, cachée par une petite grille de calandre, elle emprunte les carters de l'Estafette. La pignonnerie interne est spécifique, se caractérisant par des rapports très longs.

4 au 14 OCTOBRE - 49ème SALON DE L'AUTOMOBILE DE PARIS
C'est au Parc des Expositions de la porte de Versailles que se tient désormais le Salon de l'Automobile.
Le grand public découvre la gamme des automobiles René Bonnet.
Les cabriolets "Missile" (845 cm³) et "Le Mans" qui reçoit, le bloc moteur 1108 cm³ monté en porte à faux avant et les coach "Djet", annoncés en modèle Standard et Rallye, deviennent les versions I, II, III, IV.
- Djet I : moteur 1108 cm³, 70 ch, culasse classique, châssis poutre : 18.000 F
- Djet II : moteur 1108 cm³, 80 ch, culasse hémisphérique, châssis poutre : 21.000 F
- Djet III : moteur 998 cm³, 80 ch, culasse hémisphérique, châssis tubulaire : 25.000 F
- Djet IV : moteur 998 cm³, 100 ch, culasse à 2 ACT, châssis tubulaire : 30.000 F
Au même salon : la DS 19 Citroën vaut 14.425 F, le coupé 404 Peugeot 18.250 F, la Facellia Facel Véga 21.800 F
Ces configurations ne sont pas figées et toute adaptation à la demande du client est possible. La mise en chaîne est lente, et seuls les "Djet" compétition sont visibles : 17 tubulaires sont fabriqués en 1962. Les quelques 150 clients ayant passé commande devront attendre juillet 63 pour les premières livraisons.

20, 21 OCTOBRE 1962 - 1000 km DE PARIS A MONTLHERY
Aux essais du samedi 20, la barquette 1000 cm³, aux mains de Paul Armagnac, est déséquilibrée au passage de la cuvette de Couard (surnommée "le trou") précédant la côte Lapize. Grièvement blessé, le sympathique champion fidèle à René Bonnet succombera le lundi 22.
Le dimanche 21 la course a lieu mais la tristesse règne dans l'équipe René Bonnet malgré le soleil qui baigne le circuit.
Ces 1000 km comprennent, en fait, trois courses. Celle des Ferrari, auxquelles est opposée l'Aston Martin de Jim Clark, celle des Porsche 1600 contre les Lotus et Abarth 1300 et celle des 1000 cm3.
La Ferrari GTO des frères Rodriguez gagne la première après l'abandon de l'Aston Martin de Jim Clark (alors aux mains de son équipier John Whitemore).
Porsche gagne, une fois encore, sa catégorie et Abarth avec Mauro Bianchi et Hans Herrmann gagne en classe 1300. En 1000, la troisième Abarth, engagée par des indépendants, Bobrowski et Ruata termine en bonne position, derrière les deux voitures "Expérimentales" de la catégorie et très loin devant la Panhard-CD de Guilhaudin et Bertaut qui a connu des ennuis divers, allant de la sortie de route, à la panne d'allumage. C'est aussi une panne d'allumage (court-circuit à la dynamo), qui a faillit arrêter définitivement la René Bonnet à quelques tours seulement de la fin de course. La lutte se résume à un duel Lotus-Bonnet. La Lotus 23 est pilotée par… José Rosinski et Bernard Consten.
Pour René Bonnet, après le dramatique accident des essais, seule la barquette n°45 est engagée aux mains de Jean Vinatier et Robert Bouharde. Elle est équipée du double arbre à cames Renault-Gordini de 98 ch.
A la lumière des performances réalisées autant sur le circuit de Clermont-Ferrand que lors des 1000 km de Paris, l'écart semble important. Alors que le comportement de la Lotus est considéré comme parfait par les spécialistes, chez René Bonnet on recherche encore le bon équilibre de la voiture et un regain de puissance de freinage. Un nouveau châssis doit être dessiné durant l'hiver. De toute façon, il est probable que le règlement concernant les "Expérimentales", que va publier la Commission Sportive Internationale courant décembre, obligera les constructeurs à modifier sensiblement ces prototypes.
Le bilan de ces 1000 kilomètres est facile et logique. Pédro et Ricardo Rodriguez ont quitté leur rôle de futurs prodiges pour celui de pilotes de premier plan. En moins de 1000 cm³, Lotus a gagné parce qu'ils possèdent incontestablement la meilleure voiture du moment.
La René Bonnet termine sans enthousiasme, 13ème au général à 21 tours des frères Rodriguez et seconde derrière la Lotus mais, première voiture française malgré tout.

 

Les obsèques de Paul Armagnac sont célébrés le jeudi 25 octobre 1962, mettant un terme à une brillante carrière avec les voitures de René Bonnet.

 

 

Onze jours plus tard, Ricardo Rodriguez se tue à Mexico...

1963 >>>
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